HAFIZ DE CHIRAZ

HAFIZ DE CHIRAZ
HAFIZ DE CHIRAZ

S’il est vrai que des affinités de pensée lient étroitement les écrivains majeurs d’un pays et le peuple auquel ils appartiennent, ネ fi ワ peut être considéré comme un exemple particulièrement remarquable à cet égard dans la littérature persane.

Au mépris des contraintes religieuses et sociales qui sévissaient à cette époque de fanatisme et d’obscurantisme virulents, où les moindres écarts aux conventions établies dans la société étaient taxés d’hérésie, cet «interprète des mystères» – pour reprendre l’expression de Dj m 稜, le dernier grand poète de l’époque classique persane – a su sentir et exprimer, mieux qu’aucun autre, l’esprit et l’âme des Iraniens. C’est sans doute en raison du talent avec lequel il interprète les sentiments populaires qu’il a gardé, à travers les siècles, une aussi large audience ainsi qu’une autorité incontestée auprès de ses compatriotes, mais aussi dans tout le monde oriental.

Exégète du Coran

Né à Ch 稜r z dans la première moitié du XIVe siècle, Kh dje Shams al-D 稜n Mu ムammad, plus communément connu sous le pseudonyme de ネ fi ワ («celui qui connaît le Coran par cœur»), est l’une des plus brillantes figures de la poésie lyrique persane. Avec Sa‘d 稜 et Firdows 稜, c’est l’un des trois poètes unanimement reconnus comme les plus illustres de l’Iran.

On connaît mal sa jeunesse. Ses poèmes nous apprennent qu’il aima passionnément sa ville natale où, exception faite de brefs séjours à Yazd et à Ispahan, il passa toute sa vie.

Après de brillantes études en langue et littérature arabes et en théologie, il se mit à enseigner ces matières ainsi que l’exégèse coranique dans une madrase (école) de Ch 稜r z. Il ne connut sa véritable renommée littéraire qu’à partir de 1368, année durant laquelle il rassembla ses poésies en un D 稜v n . Dès lors, son talent littéraire fut apprécié non seulement à Ch 稜r z, où il jouissait déjà d’un certain prestige, mais dans d’autres régions de l’Iran dont les princes cherchèrent à l’attacher à leur cour en lui offrant présents et hospitalité. Les noms de quelques-uns de ces mécènes: Abou Is ム ャ 壟ndjou, et surtout Sh h Shodj ‘, sont cités dans son œuvre.

Maître incontesté du ghazal

ネ fi ワ fut le premier qui sut donner au panégyrique une forme lyrique. Il a notamment cultivé, en la portant à un niveau sans égal de perfection, une des formes de la poésie iranienne: le ghazal , consacré aux confidences mystiques ou bien à l’expression des joies et des souffrances de l’amour. Les thèmes? Ceux que l’on retrouve chez la plupart des lyriques; tous les lieux communs de la poésie classique persane: le vin, l’amour, les plaisirs de la nature et le mystère qui gouverne le destin de l’homme. Toutefois, quand il décrit les scènes d’amour, une certaine retenue et une parfaite pureté de style protègent ネ fi ワ contre la vulgarité.

Un dosage savant d’harmonie musicale et d’images expressives compose la dominante de son art si bien formulée par Goethe: «l’union de l’expression et de la pensée». L’auteur du Divan occidental et oriental définit ailleurs encore le style du Maître de Ch 稜r z: «Notre poète s’est fait, avant tout, un devoir de clarté; il a pris soin de s’exprimer dans le langage le plus simple, dans le rythme le plus facile, le plus insinuant de son idiome, et il n’a laissé entrevoir que de loin ces artifices et ces raffinements par lesquels les Orientaux s’efforcent de plaire.»

Chantre de l’amour profane, interprète des sentiments mystiques

Reconnaissons que si, dans une partie de l’œuvre de ネ fi ワ, le sens des mots est toujours clair et univoque, une autre partie du D 稜v n est difficilement compréhensible pour un lecteur profane en raison de l’inspiration symbolique de l’auteur.

L’interprétation de cette dernière catégorie de ghazals qu’on discuta surtout au début de ce siècle à propos de la traduction du D 稜v n en plusieurs langues étrangères, a donné lieu à maints commentaires et suscité de multiples controverses parmi les orientalistes. Quelle signification donner à ces poèmes? Faut-il les prendre au pied de la lettre ou doit-on découvrir en eux, à travers une profusion de symboles qui les enveloppent, une signification beaucoup plus profonde qui irait dans le sens de la divination? Les réponses fournies par les spécialistes exagèrent dans l’un ou l’autre sens, et sont par là même contradictoires. Une étude exhaustive de l’œuvre du poète s’appuyant sur les données historico-sociales de l’époque où il composa ses ghazals et surtout une attention particulière portée aux différents épisodes de sa vie aident néanmoins à découvrir le vrai visage de ネ fi ワ, ou plutôt son double visage, l’un n’excluant pas l’autre.

En fait, ネ fi ワ n’est ni exclusivement hédoniste ni complètement mystique: il est l’un et l’autre à la fois. Son D 稜v n contient autant de ghazals purement bachiques que de poèmes mystiques. Il a su, en effet, établir un parfait équilibre entre l’hédonisme et le soufisme, le profane et le sacré, les éléments terrestres et les choses célestes. Toute la valeur de l’œuvre de ネ fi ワ se trouve dans cet équilibre; faute de quoi elle perd tout son intérêt, son charme, sa philosophie, et même sa raison d’être. Philosophie déterministe, selon laquelle, la part que chacun doit avoir dans la vie étant prédestinée, il faut se contenter de ce qu’on possède – si peu que ce soit – sans froncer les sourcils.

Cette philosophie trouve son écho dans les célèbres Rob ‘iyyat de ‘Omar Khayy m, avec cette différence que ネ fi ワ, qui est malgré tout un croyant, se montre optimiste et pleinement confiant dans l’avenir, tandis que le poète de N 稜sh bur, avec sa conception pessimiste du monde et de ses attributs, considérés par lui comme les fruits d’un pur jeu de hasard, n’hésite pas à prendre à partie les principes mêmes de la religion, et ceux qui en professent la croyance. Quand il s’agit de dénoncer la malhonnêteté des hypocrites et de faux dévots qui abusent de la foi des hommes pour atteindre leurs vils objectifs, l’un et l’autre utilisent pourtant les mêmes accents.

Le poème suivant donnera peut-être quelque idée de l’art incomparable de ネ fi ワ:
DIR
\
J’ai vu le champ verdoyant du firmament et la
faucille de la nouvelle lune.
Je me suis souvenu de ma culture et du temps de la moisson;
Ne fais pas confiance à l’astre errant de la nuit:
Ce fourbe ravit la tiare au roi Kâvous et la ceinture à Keykhosrow.
J’ai dit: «Tu dors, ô Fortune! et le soleil s’est levé./DIR

– Ne désespère quand même pas du passé», répondit-il.
Si tu vas au Ciel aussi pur et solitaire que le Messie,
Cent rayons atteindront le soleil de ta lumière.
Dis au Ciel: «N’étale pas ta grandeur, car au marché de l’Amour
Ta lune et tes pléiades ne valent que des grains d’orge.
Quoique les boucles d’or et de rubis rehaussent encore ta beauté.
Celle-ci est passagère. Écoute ce conseil!
Que le mauvais œil soit loin de ton grain de beauté
Dont le charme dépasse celui de la Lune et du Soleil.
Le feu de la fausse dévotion et de l’hypocrisie brûlera la moisson de la foi.»
Ô Hâfiz, ôte ce froc de bure et va...

Encyclopédie Universelle. 2012.

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